Force Ouvrière : troisième organisation syndicale
La mesure d’audience syndicale 2021-2024, autrement dit de la représentativité interprofessionnelle (toutes branches confondues) confirme que, malgré un léger recul (15,24 % en 2021, 14,91 % en 2024), Force Ouvrière est la troisième organisation syndicale. Elle vient derrière la CFDT (26,58 %) et la CGT (22,21 %). Pour rappel, ces résultats sont issus de l’agrégation de ceux obtenus dans le cadre des élections CSE et de celles des TPE et des chambres d’agriculture. La CGT et la CFDT connaissent également une perte de voix, contrairement à la CFE-CGC qui, elle, passe de 11,90 % à 12,95 %. Cette progression s’explique, en partie, par l’évolution du corps électoral qui voit une hausse des emplois de cadres. Pour certains spécialistes, le recul des trois plus gros syndicats pourrait s’expliquer, et c’est inquiétant, par une chute de la participation des salariés à la vie syndicale.
La publication de ces résultats amène également des commentaires divers et variés de la part des médias. C’est souvent, pour eux, l’occasion de rappeler le faible taux de syndicalisation en France, d’affirmer que la mobilisation des retraites n’a pas endigué l’abstention, notamment lors des élections TPE ou, encore, qu’avec la mise en place des CSE, le mouvement syndical se professionnalise de plus en plus. Il est vrai qu’aujourd’hui, le phénomène s’accentue, la syndicalisation ne va pas de soi. C’est particulièrement le cas chez les jeunes qui, souvent, non titulaires de leur emploi, pas intégrés dans l’entreprise, ne se sentent pas concernés par le « collectif ».
Il est vrai, également, que le CSE, issu des ordonnances Macron de 2017, a rebattu les cartes du dialogue social et entraîne aujourd’hui un défi à relever par les organisations syndicales. La suppression, au profit de commissions sans reconnaissance juridique, des CHSCT qui permettaient aux élus d’avoir un certain pouvoir de décision et de défense des salariés et la diminution drastique des moyens font partie des outils du législateur pour éloigner le syndicaliste du salarié ce qui complique singulièrement le travail de développement.
Le rôle déterminant du délégué syndical
Au sein de ces CSE, le dialogue social n’est plus que discussion sur des dossiers complexes (stratégie, finances) où la décision s’efface au profit de la consultation. Il est contrôlé, encadré et la négociation collective devient de plus en plus rare. De fait, le rôle et le poids des élus syndicalistes se trouvent transformés et minorés. Les militants deviennent des « techniciens » du CSE, vaquant entre réunions et étude de dossiers lourds, sans réel pouvoir. Avec la réduction du nombre des élus et, surtout, la baisse des moyens syndicaux, il ne reste guère de temps pour aller à la rencontre des salariés, les écouter et développer l’organisation syndicale. Pour FO, qui le martèle, la négociation doit se situer au niveau du délégué syndical. Or les employeurs « encadrent » fortement les mandats, voire essayent de les détourner. En conséquence, nos délégués, qui relèvent d’une expression purement syndicale et bien que leurs attributions soient définies par les textes législatifs, peinent, dans un contexte qui se veut exclusivement à la main de l’employeur, à faire reconnaitre leur rôle.
Les négociateurs patronaux introduisent également des éléments contraignants, facteurs financiers, conjoncturels, concurrentiels et en jouent parfois pour brider la négociation et, ainsi, servir au mieux leurs propres objectifs. La Négociation Annuelle Obligatoire en est l’un des meilleurs exemples. Il faut aussi avouer que, globalement, le « contrat social », si cher à Jean-Jacques Rousseau est, en permanence, mis à mal par un rapport de force déséquilibré.
L’accord, c’est notre « grain à moudre »
Pourtant, le levier permettant aux organisations syndicales de se faire entendre, se faire écouter et d’avancer sur les dossiers, qu’ils soient individuels ou collectifs, réside bien dans la contractualisation et, donc, dans la négociation qui ne doit, en aucun cas, être entravée. C’est notre ADN, ce pourquoi nous sommes, c’est le pilier de notre réformisme. Les délégués syndicaux ont, aujourd’hui, un rôle majeur : malgré tous les obstacles, défendre les salariés, leurs conditions de travail, leurs rémunérations, au travers de textes partagés et soutenus par toutes les parties. L’accord, c’est notre « grain à moudre ». L’exercice, pour FO, est souvent « périlleux » puisqu’il s’agit de s’engager sans cogérer et de contester sans posture ni dogme, en argumentant. Mais nous y réussissons. Une fois le consensus trouvé, la signature posée, le travail commence : un travail de présentation, de pédagogie auprès de chaque salarié pour défendre notre engagement, démontrer le bien-fondé de notre signature et la pertinence des avancées obtenues ou de l’importance de la sauvegarde des acquis puisque, souvent, il s’agit d’accords défensifs. C’est le travail de tous, partout, à chaque instant. Malheureusement aujourd’hui, les détracteurs du syndicalisme préfèrent afficher la faiblesse d’une mobilisation que la victoire d’une négociation le plus souvent ardue.
Le syndicalisme, un antidote à la souffrance au travail
À cela s’ajoute le soutien individuel qui peut prendre différentes formes : une main tendue, un renseignement donné, un avis partagé et bien plus parfois, comme un accompagnement ou une défense. C’est le meilleur antidote au burn-out et autre isolement ou détresse professionnels. Là aussi, on l’oublie trop souvent. Les mêmes détracteurs, qu’ils soient politiques ou médiatiques, préfèrent relever la baisse du nombre des syndiqués tout en reléguant le syndicalisme au passé. Car si l’adhésion ne va pas de soi, la gratitude est bien réelle et beaucoup, sans pour autant s’engager, reconnaissent l’aide apportée par les militants syndicaux et l’utilité de leurs actions. Si on peut comptabiliser les adhésions, il est difficile de mesurer le rôle « syndicalo-social » des militants de terrain.
De profondes mutations…
Le monde change et les aspirations des travailleurs évoluent. Aux traditionnelles questions sociales (conditions de travail, rémunérations, emploi), se rajoutent les grands thèmes tels que la réindustrialisation, l’immigration, l’égalité homme-femme, les discriminations et, surtout, les questions environnementales. La sociologie évolue également avec une hausse du salariat cadre. Et si le travail reste central, on l’appréhende différemment, reconnaissance et équilibre vie privée-vie professionnelle devenant incontournables. En négociant des accords sur de tels thèmes, les syndicalistes militent autrement, répondant aux nouvelles aspirations des salariés. Cela dit, la négociation reste l’arme de FO ! il n’y aura jamais de dialogue social sans négociation. En aucun cas, il ne faut céder aux discours ambiants. Nous devons, au contraire, continuer à porter notre syndicalisme réformiste, sur ces bases : la négociation collective et la défense des salariés.