Les discussions liées à nos impacts environnementaux prennent davantage de place dans notre société et sont l’objet d’une campagne acharnée depuis quelques années, où experts, scientifiques, associations et politiques jouent au jeu du chat et de la souris. Toute cette industrie qui a mis 50 ans à émerger, toutes ces barrières psychologiques, ces adhérences de consommation, en bref, tous ces modèles de croissance sont-ils immuables ? Sans sobriété dans les pratiques de consommation, il est clair que l’objectif sera péniblement atteignable.
Au risque de créer une nouvelle bulle financière dès lors que nous affrontons une crise, il serait de bon ton d’arrêter de réduire la transition écologique à de simples leviers de croissance et d’affaires de gros sous !
Pour Force Ouvrière, cette équation ne peut se dissocier des politiques économiques et sociales. C’est pourquoi notre organisation s’est saisie de ce dossier.

Force Ouvrière et la question de l’environnement : une longue histoire et des revendications claires.

Dès 1974, FO affirmait dans sa résolution de congrès : « La défense de l’environnement doit aussi faire l’objet d’une action syndicale menée avec détermination » précisant que « une politique de l’environnement ne doit pas être déterminée par opposition à l’expansion économique, mais exige le dégagement immédiat des moyens nécessaires à une amélioration réelle des conditions et du cadre de vie ». La résolution sociale confortait ces propos en appelant à agir par une « action syndicale accrue pour la lutte contre la pollution et la protection de l’environnement ».
Au congrès de 1977, une résolution spécifique sur l’environnement insistait sur deux impératifs : nécessité et obligation de concilier environnement et croissance, exigence d’une action réglementaire de niveaux européen et mondial. Ainsi, pour FO, il est impossible de traiter la question écologique sans se préoccuper de la condition des travailleurs ni établir des normes et objectifs clairs et incontournables au plan international.
En 1980, sous l’égide de son Secrétaire Général, André Bergeron, FO crée la Commission Confédérale Environnement, avant de s’inscrire dans les démarches syndicales coordonnées par la CISL (aujourd’hui CSI) et porter la revendication de « garantir des mesures de transition fondées sur la justice sociale et sur l’investissement dans des politiques industrielles et environnementales créatrices d’emplois décents tels que définis par l’OIT ».

Dans la continuité de ces actions, le Comité Confédéral National de septembre 2019 décide la création d’une Conférence Syndicale Permanente (CSP), composée de militants de différentes fédérations, dont FO Com, et des unions départementales. Au-delà d’identifier des axes d’analyses et de dégager des revendications, il s’agit également de ne pas laisser ces questions aux seules associations et ONG.
Lors de sa première réunion, la conférence a défini le cadre dans lequel doit s’inscrire FO pour agir efficacement sur le plan social. Pour les militants, les enjeux en termes d’emplois sont tels – la question environnementale touchant de nombreux secteurs – qu’il est primordial d’anticiper afin d’assurer l’avenir de milliers de salariés. Invité à cette première réunion, Jean Jouzel, climatologue et directeur de recherche au CEA, a évalué entre 600 000 et 900 000 les emplois qui peuvent être créés, tous secteurs confondus.

Bien que très réservée sur la légitimité démocratique de la convention citoyenne pour le climat (CCC), mise en place par le gouvernement, la CSP s’est intéressée à ses travaux en invitant son rapporteur, Julien Blanchet. Les réponses apportées sur les impacts sociaux ainsi que sur la période de transition, entre aujourd’hui et 2050, date à laquelle la France devrait être neutre en carbone, laissent à penser que les risques sociaux ne sont pas suffisamment pris en compte. Constante dans sa revendication, FO lui a rappelé que ce changement de paradigme ne doit pas être réalisé sans, en parallèle, « assurer un travail décent, au sens de l’OIT, aux travailleurs ».

ampouleEn pleine crise sanitaire (mai 2020), la CSP a amené les militants à réfléchir à ses conséquences et au marasme économique et social qu’elle a engendré. Quelles politiques et mesures prises au titre du climat et de l’environnement ? Plus largement, quelle place à la justice sociale ?
Tout au long de l’année 2021 et jusqu’à aujourd’hui, la CSP continue ses travaux en portant ses revendications en la matière, notamment au travers de l’analyse des 149 propositions de la convention citoyenne pour le climat. Le Président de la République a, d’ores et déjà, écarté deux d’entre elles, pourtant ô combien majeures pour FO. Il s’agit d’une part, de taxer à hauteur de 4 % les dividendes et, d’autre part d’établir un moratoire sur le CETA (accord de libre-échange entre l’UE et le Canada). Concernant le premier rejet, il est important de rappeler que, dès 2018, la Confédération a dénoncé le recul que représente la suppression de la taxation des 3 % sur les dividendes. Quant au CETA, FO a demandé la suspension de l’application provisoire de ce traité qui va avoir des impacts négatifs sur l’emploi, plus particulièrement dans des filières, déjà fragilisées, de la production agricole. D’autres mesures dont la convention refuse d’appréhender les conséquences désastreuses ne peuvent qu’accroître le phénomène. La conclusion de la CCC est, d’ailleurs, on ne peut plus claire : « Nous, les 150 citoyennes et citoyens sommes conscients que les mesures que nous préconisons peuvent être difficiles à comprendre et parfois à accepter pour tous ceux qui verront leur métier disparaître et devront se réorienter. » Non seulement cette entité n’a pas la légitimité pour représenter l’intérêt général mais, en plus, elle s’exonère d’assumer les conséquences de ses propositions !

Même cas de figure en ce qui concerne le plan climat européen. Face aux mesures de la commission européenne, visant à réduire de 55 % les émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030, FO a exprimé ses inquiétudes sur les risques qu’elles font peser sur le pouvoir d’achat des ménages comme sur l’emploi. Nous avons insisté sur le rôle incontournable du dialogue social et de la négociation collective. Si la lutte contre le réchauffement climatique est essentielle, elle doit également, au niveau européen, s’accompagner de mesures sociales justes.

Pour faire connaître les positions de notre organisation en matière de transition écologique, la Confédération a publié un cahier de revendications intitulé « Climat et environnement : un enjeu social ! ». Ce livret reprend les thèmes inscrits dans la loi « climat et résilience », loi issue des 149 propositions de la convention citoyenne et publiée le 24 août 2021 : « consommer, produire et travailler, se déplacer, se loger et se nourrir ».

Ce livret est, aujourd’hui, d’autant plus indispensable que dans les entreprises de plus de 50 salariés, la loi intègre la question de la transition écologique dans les attributions du CSE. Mais, au-delà des élus du CSE, c’est bien nous tous, militants et citoyens concernés, qui devons être informés au mieux des risques et enjeux afférents à ce domaine et porter nos revendications. Certes, ce sujet est crucial pour notre avenir climatique mais il revêt aussi une dimension sociale et démocratique.

La croissance verte dans un avenir mondialisé entre réalités et ambitions d’intégration

Les enjeux climatiques sont tels que les négociations autour de potentielles mesures sont extrêmement complexes puisque liées à la géopolitique. La course à la croissance perpétuelle pousse certaines puissances mondiales à l’inertie afin de réduire notre impact sur l’environnement. Le rouleau compresseur des marchés financiers et des grands groupes avec en paysage de fond la prise de conscience des salariés et des entreprises, les questions d’impact environnemental sont sous le feu des projecteurs, animés par la création d’institutions ou groupes de réflexions, à l’image du GIEC, de la Convention Citoyenne pour le Climat ou le Haut Conseil pour le Climat créés plus récemment.
Scandée dans les publicités de beaucoup d’entreprises françaises et affichée comme volonté ferme des différents gouvernements pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, la « Green Attitude » trouve cependant ses limites. Rappelons-nous ces slogans « neutralité carbone » brandit comme des étendards par les entreprises. On pouvait davantage y voir un effet de mode, ou se faire une bonne réputation à moindre cout qu’une réelle prise en compte de cet objectif. Et que penser de planter des arbres pour compenser des trajets en avion ? La compensation par l’achat de « crédits carbones » ne permet de réaliser la neutralité que si cette dernière est accompagnée de mesures factuelles de réduction des émissions.
L’ADEME a publié un rapport estimant que le matraquage en règle des entreprises se revendiquant « neutres en carbone » brouillait le message d’origine. Si 85 % des entreprises interrogées cherchent à réduire leurs émissions de CO2, seules 9 % les mesurent de façon précise, et 11 % les ont réduites à hauteur de leurs ambitions ces cinq dernières années.
L’étude révèle d’autres chiffres étonnants. Ainsi, 66 % des entreprises ne déclarent aucune de leurs émissions externes alors qu’elles comptent pour 90 % de la moyenne totale des émissions. Le reporting effectué manuellement à l’aide de simple tableur induit des marges d’erreur de 30 % à 40 %.
Et donc d’après nos dirigeants, il faudrait uniquement produire, en tendant vers des émissions les plus faibles possible, en investissant dans des lignes compensatoires pour brandir une « neutralité carbone ». La prise de conscience et l’attachement de plus en plus prédominants des citoyens, et donc des salariés, les inciteront-ils aussi à être intégrés dans une économie « plus verte ».

Chacun d’entre nous au cœur du changement le souffle syndical

L’échéance impérative de la réduction de nos gaz à effet de serre et de l’exploitation des ressources naturelles, auront pour conséquences d’importants transferts financiers. Notons que plus de 40 % du PIB mondial dépend des services rendus par la nature. Ce changement modifiera notre économie, bouleversera les plus pauvres, qu’ils s’agissent des individus comme des États. Il y a un fort risque de création d’inégalités, une de plus à un moment où notre société subit année après année diverses crises. Notre modèle est à revoir en profondeur face aux défis du changement climatique, d’où l’inquiétude croissante des associations et des experts sur le sujet puisque peu d’objectifs ont été remplis.
Les emplois menacés dans les secteurs à fortes émissions sont souvent localement concentrés dans des zones déjà défavorisées. FO tient à souligner que la légitimité de la transition verte risque de se heurter à des enjeux sociaux d’une ampleur considérable. Elle aura des effets de redistribution massive mais à ce jour, aucune mesure n’est prise pour combattre les impacts négatifs qu’implique ce changement de paradigme.
Réduction de l’impact carbone, égalité salariale, inclusion, juste partage des bénéfices… Les salariés sont plus que jamais attentifs à ce que leur entreprise mène une politique ambitieuse sur les sujets RSE. Selon une récente enquête Harris Interactive, plus de 8 Français sur 10 jugent ces engagements prioritaires.
77 % des personnes interrogées en font même un critère important, voire prioritaire, de choix pour venir travailler dans une entreprise.
Globalement, les Français sont circonspects quant aux promesses d’engagement des entreprises. 75 % d’entre eux estiment que celui-ci est superficiel et relève davantage d’une stratégie marketing que d’une conviction profonde.
Les syndicats doivent insuffler une exigence ferme concernant les trajectoires à prendre, sous réserve d’une transition équitable. Nous ne pouvons nous contenter de potentielles créations d’emplois dans des activités nouvelles. Cette transition verte doit s’accompagner de droits individuels et collectifs, concrets et ambitieux pour relever l’impérieuse épreuve du changement climatique. Ces sujets sont toutefois relégués au second plan dans le dialogue social.
Nos entreprises surfent sur la tendance verte mais révisent-elles suffisamment leurs biens et services pour faire évoluer les modes de consommation pour les rendre plus durables ? Arriveront-elles à assurer une transition juste pour les travailleurs dans le temps imparti ? Les citoyens sont capables de contribuer par ces réflexions et propositions à changer ces modes de développement.
Les gouvernements et entreprises en feront-ils tout autant ?

Sobriété énergétique à La Poste

économie ou écologie ?

main-feuille

On peut s’interroger sur les raisons réelles qui poussent La Poste à présenter ce plan de sobriété énergétique.
Bon, d’accord, c’est le gouvernement qui, par son fameux plan national, vient donner des directives aux entreprises.
Mais il nous paraît de bon aloi de réfléchir à qui profite le crime.

Résumons : La Poste imposera 16° C dans les locaux industriels, 19° C pour les sites tertiaires et 14° C pour les locaux inoccupés pendant 24h à 48h. Elle interdira également les chauffages d’appoint.
Il est évident que l’augmentation des coûts du gaz et de l’électricité, l’instabilité économique due au conflit Russo-Ukrainien poussent à résonner différemment.
Bref, il faut participer à cet « engagement sociétal » comme dit le Président Wahl.

Mais dans les causalités décrites juste au-dessus il n’y aucun argument écologique mais seulement des opportunités économiques. Mais… Attention, il faut toutefois veiller à ce que les conditions de travail des postières et des postiers ne s’en trouvent pas dégradées, risquant des dommages collatéraux sérieux. Prenons par exemple le cas d’une plate-forme Colis, bâtiment de fer et de ciment au plafond très haut. 16° C au sol ! La chaleur monte jusque sous le toit. Quelle sera, du coup, la température au sol ?
En cette peak-période, les agents auront la tête dans le guidon et les pieds dans la glace. Cela pourrait avoir de fâcheuses conséquences sur leur santé ; est-ce que les arrêts ne vont pas se multiplier ?
De ce fait, l’économie réalisée grâce à la baisse du chauffage pourrait être amputée car il faudra remplacer les malades par de l’intérim.

Donc OUI à l’écologie, OUI à l’économie mais pas au détriment des postières et postiers. Le plan de sobriété présenté ne doit pas être une sorte d’économie élastique avec la santé des postiers
en variable d’ajustement.