Le chemin menant au respect du droit de l’Union par la France est un chemin ardu, long et pénible. Pour donner un exemple, entre l’arrêt Tyco, sur le temps de trajet des travailleurs itinérants de 2015 et sa mise en œuvre par le juge français, il a fallu 8 ans.
L’Europe adopte des directives. Ce sont des textes qui définissent les objectifs à atteindre, mais laissent aux États le choix de les faire appliquer. C’est donc chaque été que va être adopter un texte qui transposera les objectifs de la directive dans son droit interne. Un particulier, qu’il soit salarié ou fonctionnaire, le droit européen ne distinguant pas entre les deux, ne peut pas invoquer une directive, mais uniquement la loi qui l’a transposée. Le hiatus est donc ancien, entre la conception européenne des congés, et la conception française.
Le 17 juillet, l’État Français a été condamné.
C’est la Cour administrative d’appel de Versailles, formation plénière, 17 juillet 2023, n° 22VE00442 qui vient rappeler que le retard de transposition d’une directive européenne est susceptible d’engager la responsabilité de l’État en réparation du préjudice moral subi de ce fait par les salariés.
Deux mois après, la Cour de cassation est venue en tirer les conséquences. Dans plusieurs arrêts, rendus en tir groupé le 13 septembre, elle écarte des articles du Code du travail comme étant contraires à cette directive (Cass. soc., 13/09/2023, n°22-17340 à n°22-17342 ; n°22-17638 ; n°22-10529 et n°22-11106).
La différence, c’est qu’ici, ces arrêts sont directement invocables devant le juge par les salariés.

Quels sont les 3 points abordés dans ces arrêts ?

Le Code du travail dit qu’un salarié en congé de maladie, ou victime d’un accident n’acquiert pas de droit à congé pendant cette période.
La Cour de cassation, eu égard à l’article 31§2 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, sur le droit au repos, écarte les dispositions du droit français qui ne sont pas conformes au droit de l’Union européenne. Ainsi, elle juge que les salariés atteints d’une maladie ou victimes d’un accident, de quelque nature que ce soit (professionnelle ou non-professionnelle) ont le droit de réclamer des droits à congé payé en intégrant dans leur calcul la période au cours de laquelle ils n’ont pas pu travailler.
Le second point du Code du travail dispose que si un salarié est en accident du travail il acquiert bien des congés, mais en application du droit français, ce calcul ne pouvait pas prendre en compte plus d’un an d’arrêt de travail. La Cour de cassation, toujours eu égard à l’article 31§2 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne sur le droit au repos, écarte les dispositions du droit français qui ne sont pas conformes au droit de l’Union européenne. Ainsi, elle juge qu’en cas d’accident du travail ou de maladie professionnelle, l’indemnité compensatrice de congé payé ne peut être limitée à un an et que le calcul doit se faire sur l’intégralité de la période d’arrêt.
Le troisième point est de savoir quel est le point de départ de la prescription d’une demande d’indemnité de congé payé (ICP). Le droit français fixe à 3 ans le délai de prescription des sommes de nature salariale, dont fait partie l’ICP.
La Cour de cassation a ici un raisonnement en deux temps : elle rappelle d’abord qu’il existe une période déterminée au cours de laquelle le salarié doit prendre ses congés payés. Ce n’est que lorsque cette période s’achève que commence à courir le délai de prescription de l’indemnité de congé payé. Mais elle ajoute ensuite qu’en application du droit de l’Union, le délai de prescription de l’indemnité de congé payé ne peut commencer à courir que si l’employeur a pris les mesures nécessaires pour permettre au salarié d’exercer effectivement son droit à congé payé.
Dans cette affaire, la salariée n’a pas été en mesure de prendre des congés payés au cours de ses 10 années d’activité, puisque l’employeur n’avait pas reconnu l’existence d’un contrat de travail. Dès lors, le délai de prescription ne pouvait pas commencer à courir.

À partir de quand ces décisions devraient s’appliquer aux entreprises ?

En théorie, les jurisprudences de la Cour de cassation sont rétroactives. Elles s’appliquent dès qu’elles sont publiées et sont rétroactives, donc s’appliquent aux litiges nés ou à naître et non encore prescrits. Il est donc clair que la 3e jurisprudence, qui lie la prescription au fait d’avoir mis en capacité le salarié d’exercer son droit à congé va beaucoup inquiéter les entreprises, puisqu’elles n’ont jamais mis en capacité les salariés concernés de bénéficier d’un droit qui ne figurait nulle part à ce moment.
On a donc une forte probabilité que le patronat réveille le gouvernement pour que soit pris le plus vite possible un texte pour remettre le droit interne en conformité avec le droit de l’Union, tout en limitant les effets dans le temps (ce que le droit de l’Union n’interdit pas).
Donc, en théorie, un salarié concerné pourrait agir tout de suite devant le juge, mais le risque est de voir arriver, alors que son affaire est en cours, une loi qui, s’imposant au juge, viendra limiter ou annihiler ses prétentions. Il semble donc plus prudent de passer par une voie non-contentieuse, soit individuelle via une requête aux services RH, soit collective via la négociation d’un accord qui permettra de sécuriser la situation.

Depuis le 1er juillet 2021, à la naissance d’un enfant, le père ou le second parent bénéficie désormais d’un congé de paternité et d’accueil de l’enfant de 25 jours et de 32 jours en cas de naissance multiple (contre 18 jours auparavant). À cette période, s’ajoute également les 3 jours de congé de naissance ce qui porte la durée totale du congé à 28 et à 35 jours.
Ce congé fut pourtant un long combat débuté dès les années 40. Seulement 3 jours étaient accordés pour les nouveaux père et les années passèrent sans réelle évolution. En 2001, il est porté à 11 jours consécutifs à prendre dans les mois suivant la naissance. En 2021, 71 % des pères éligibles au congé paternité ont pu bénéficier de ce droit de près d’un mois.
Pour FO, l’allongement de la durée du congé paternité permet aux pères et au second parent de mieux appréhender la venue d’un enfant. Il est essentiel pour le bien-être et le développement de l’enfant, c’est pourquoi, il est indispensable qu’il soit pris intégralement. Pour FO, si l’allongement de ce congé est une bonne chose pour replacer la France dans la moyenne des pays européens, cela reste insuffisant pour réellement atteindre l’égalité femme – homme.