L’externalisation correspond au transfert d’une unité de production ou d’activités vers une entreprise d’un même pays ou à l’étranger. L’entreprise qui fait le choix d’externaliser entrevoit généralement à long terme des possibilités en matière de flexibilité, performance, compétitivité, gains financiers et d’identité. La crise sanitaire a remis au cœur des débats les questions de souveraineté et de relocalisations de la production sur notre territoire. Mais si cette ambition du gouvernement vaut plutôt pour l’industrie, les entreprises de services ne prennent visiblement pas le même chemin.

Les risques à prendre sont-ils si nécessaires ?

Pas question ici de dresser une liste exhaustive de tous les risques potentiels, mais bien d’insister sur les majeurs. La perte de compétences internes peut s’avérer pénalisante menant à la liquidation de savoir-faire pourtant essentiel dans certains domaines. Une forme de dépendance s’instaure alors vis-à-vis des prestataires, surtout si ces derniers deviennent un maillon stratégique majeur dans les processus. La qualité est aussi un élément important. En effet, bien trop souvent les sous-traitants ou les prestataires ne sont pas confrontés directement au marché final. Dès lors, les obligations de résultats et de qualité leur apparaissent moins préoccupantes. Le risque de déconnexion entre les partenaires externes et les fonctions internes sont aussi susceptibles de provoquer des problèmes de communication ou des pertes de synergies, entraînant une perte d’informations sur les chaînes de processus comme par exemple la formation des coûts.

Mise en concurrence : frontières levées et dumping social

La crise sanitaire a accéléré les nouvelles formes de travail, à l’image du télétravail, et pose de nouveaux enjeux pour les entreprises et les salariés. Dans les faits, le télétravail permet de délocaliser un travail souvent qualifié hors de l’entreprise. Mais hors de l’entreprise, cela peut être hors des frontières hexagonales… Dès lors qu’il devient possible de confier à un salarié d’un pays moins-disant social une mission identique à celle d’un salarié français pour un coût inférieur, le choix économique aura tôt fait de s’imposer.
Désormais, des millions d’activités sont devenues exportables, emportant avec elles toutes considérations de modèle social et gommant les éventuelles barrières juridiques et migratoires. La délocalisation des métiers support a été le précurseur de cette tendance et à l’image de la révolution industrielle, les bouleversements futurs risquent d’être sous le signe de la mobilité économique. S’il est difficile d’analyser précisément l’impact global de l’externalisation sur l’emploi à cause du manque d’études statistiques, il paraît évident en revanche que ce processus affecte le marché de l’emploi au niveau d’un territoire (région, bassin d’emploi, pays…).

Évolutions majeures du monde du travail : l’importance de la représentation collective network

Les diverses transformations et dispersions des fonctions, ajoutées à une diminution progressive de l’emploi stable peuvent amener les entreprises à se placer en deçà de certains seuils légaux concernant la mise en place d’institutions représentatives du personnel. Si on y ajoute la faible présence syndicale dans des entreprises de taille plus petite, on se retrouve avec des consultations et négociations collectives plus aléatoires, avec pour conséquences des relations de plus en plus individualisées. Cet état de fait devient très préoccupant, au moment même où la capacité d’anticipation des évolutions profondes du monde du travail par le dialogue social serait particulièrement nécessaire pour mettre en échec les effets les plus négatifs de l’externalisation.

L’articulation entre les branches professionnelles et les entreprises devient alors primordiale. Les phénomènes d’externalisation, du seul ressort des entreprises au stade de leur mise en œuvre, ont des répercussions importantes pour les collectifs de travail, et particulièrement pour les salariés concernés par les changements organisationnels. L’action des branches professionnelles, via les conventions collectives, est indispensable pour cerner, prendre en compte et organiser ces évolutions afin de prévenir les conséquences négatives pour les salariés.

Elle doit passer par une recherche continue de la valorisation des métiers et de leurs caractéristiques, intégrée dans des grilles de classifications des emplois. Cette recherche doit ainsi permettre une politique salariale ambitieuse, évolutive et un développement des compétences, des savoirs et des investissements.

FO Com dénonce les performances des entreprises basées uniquement sur la réduction des coûts ainsi que la flexibilité à outrance. Pour notre syndicat, des moyens existent pour investir, créer des emplois et pratiquer une politique sociale beaucoup plus ambitieuse au bénéfice des salariés.
Encore faut-il que les entreprises y voient un véritable enjeu identitaire… « La raison d’être » des entreprises, instaurée par la Loi PACTE, doit prendre en compte cette dimension sociale et humaine. Dans le même temps, il est impératif de négocier des accords mondiaux favorables à l’ensemble des travailleurs d’un même secteur d’activités, dans un souci d’équité, de progression des droits et de la protection de chacun.

Évolutions majeures du monde du travail : l’importance de la représentation collective

En pleine crise du COVID-19, alors que l’économie française souffre d’une baisse importante de l’activité, La Poste poursuit ses actions d’externalisation de pans entiers de ses activités.
Concernant l’informatique postale, un contrat de prestation a été signé en 2019 avec la société ATOS, l’activité est désormais déportée en Inde et au Maroc, d’autres contrats signés en 2020 comportent des activités déportées en Pologne. Cette externalisation est synonyme de pertes d’emplois en France, de pertes de compétences, de dégradation de qualité de service subie par les clients de La Poste mais aussi les postiers utilisateurs de ces systèmes…
FO Com ne cesse d’agir pour s’opposer à ce véritable dumping social en dénonçant l’absence de cohérence entre la stratégie économique de La Poste et sa politique affichée en matière de responsabilité sociale et environnementale. De plus, ces projets sont à l’origine de la baisse constante des effectifs d’informaticiens postiers ainsi que de nos propres sous-traitants en France. Force Ouvrière a interpellé le directeur des Systèmes d’Informations de La Poste en avril 2019 et le PDG de La Poste en mai 2020 sans obtenir de réponse à la question posée. Le 28 août dernier, un courrier a été adressé au ministre de l’économie…
Aucune réelle réponse au contenu de notre demande ! Oubliés les beaux discours sur la solidarité nationale dès lors qu’il y a quelques intérêts (financiers) à les transgresser. La Poste ne remet nullement en cause sa politique de sourcing offshore. Bien que la Caisse des Dépôts et Consignations ainsi que l’État soient les deux seuls actionnaires de La Poste, la direction de l’entreprise publique n’entend pas faire sienne la politique gouvernementale de relocalisation d’activités sur le territoire national… Quel jeu de dupes !

Comment l’État compte-t-il donner l’exemple aux entreprises privées s’il n’est pas capable d’impulser sa propre politique au sein du groupe public ?